La volonté d’inventer et surtout d’avoir un impact positif et concret sur sa société et l’environnement ont conduit Jaafar Sijilmassi vers ce métier qu’il exerce en associant écologie et esthétisme. Egalement enseignant à l’Académie des Arts Traditionnels et vice-président de l’ONG Morocco Green Building Council, c’est bien un architecte militant que nous rencontrons.
Quels sont les architectes qui vous in spirent?
J’adore Louis Khan , pour le côté monumental et pur de ses oeuvres, sa maîtrise de la lumière et de la matière, le tout sans ornementation superflue. Au Maroc, j’aime particulièrement la démarche radicale et militante de Salima Naji et la poésie de l’architecture de feu mon père Abderrahim Sijelmassi. Je suis aussi inspiré par le patrimoine vernaculaire marocain, riche en procédés bioclimatiques «lowtech» avec des savoir-faire que nous devons perpétuer tout en les modernisant. Les matériaux naturels et les techniques artisanales ne sont pas seulement beaux mais écologiques et bons pour la santé
Idéalement, comment devrait être l’architecture de demain?
L’architecture de demain s’inspirera sans aucun doute de l’architecture d’hier. Les anciens se sont basés sur l’observation de la nature et l’apprentissage empirique.
Ils se sont adaptés à leurs milieux, inventant ainsi l’écologie avant l’heure. Chez nous, cela donne la médina, l’architecture de terre ou de pierre, la fontaine au milieu du riad, le malquaf, la matfia…. L’architecture arrogante d’aujourd’hui est permise par l’énergie fossile et l’extraction à grande échelle mais elle se heurtera bientôt au manque de ressources et à la réa lité démographique (bientôt 9 milliards d’habitants). C’est aujourd’hui que nous devons adapter le bon sens d’hie r aux savoirs techniques contemporains pour réinventer une architecture qui apprend de la nature et s’adapte aux enjeux d’aujourd’hui.
Comment cela se traduit-il dans votre démarche?
Autant que possible, je privilégie les techniques «lowtech » et les matériaux naturels peu transformés et disponibles à moins de 100 km, ce qui limite l’énergie grise consommée et améliore l’empreinte écologique du bâtiment durant tout le cycle de vie (extraction, construction, démolition, recyclage).A cela s’ajoute des Salima Naji et la poésie de l’architecture de feu mon bienfaits collatéraux: une fixation de la main d’oeuvre et des PME locales, des matériaux meilleurs pour la santé car sans composés organiques volatiles et beaucoup moins de rejets nocifs pour l’environnement. Il suffit souvent d’observer la construction vernaculaire locale pour convaincre le maître d’ouvrage que l’on peut réaliser une architecture moderne moins chère et écologique qui se fond dans le paysage.
Que retenez-vous de votre travail à l’Académie des Arts
Traditionnels?
Les artisans connaissent les limit es et possibilités de chaque matériau, ils sont les maîtres de la matière.
Les architectes ont beaucoup à apprendre auprès des maâlems. Cependant, l’artisanat marocain a du mal à s’extraire de la répétition perpétuelle. C’est là que l’architecte intervient entant que créateur pour en courage l’artisan à explorer de nouvelles possibilités. de chaque matériau, ils sont les maîtres de la matière.
Les architectes ont beaucoup à apprendre auprès des maâlems . Cependant, l’artisanat maroca in a du mal à s’extraire de la répétition perpétuelle. C’est là que l’architecte intervient en tant que créateur pou r encourager l’artisan à explorer de nouvelles possibilités.
L’autre intérêt de l’Académie est de réunir les différents corps de métiers (taille de pierre, fer forgé, zellige, bois, plâtre…), un encouragement à l’hybridation des matériaux et techniques et à la recherche de nouvelles for mes. L’artisanat marocain est à la mode dans l’architecture de luxe de nombreux pays mais gagnerait à innover, à aller vers plus de simplicité et à éviter l’effet pastiche.
En quoi consiste l’acupuncture urbaine pour laquelle vous militez, notamment au sein de l’association Moroccan Green Building Council?
La acupuncture urbaine considère la ville comme un organisme vivant, en l’occurrence malade. Il s’agit de lui administrer une thérapie douce en agissant sur certains points localisés pour améliorer l’ensemble.Cela se traduit concrètement par des interventions à petite échelle dans les espaces non utilisés (terra ins vagues, friches industrielles…) et l’implantation d’équipements de proximité à caractère sociaux (bancs, tables à damiers, jeux pour enfants…), sportifs ou paysagers. L’ambition est d’apporter du bien être partout, avec peu de moyens financiers.
Nous avons calculé que, pour Casablanca, il est possible de revitaliser l’ensemble de la ville avec moins de 100 millions de dirhams.
Les retombées attendues sont multiples:
plus de propreté, de sécurité, de sociabilité entre les genres et générations. Ceci est possible à condition qu’un pouvoir fort soutienne la démarche en facilitant les interventions comme cela a été le cas à Curitiba au Brésil.